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Quelles sont les voix dominantes pour l’Europe au sein des églises et les réseaux missionnaires avec lesquels vous êtes les plus familiers ?
Sans surprise, les réponses de nos personnes interrogées dépendaient très fortement de leur propre contexte. Certains interprétaient « dominant » comme signifiant (comme on l’avait recherché) plutôt trop franc, puissant ou vocal ; alors que d’autres personnes interrogées interprétaient « dominant » comme signifiant simplement les voix majeures ou les autorités.
Et donc, en termes de voix dominantes « parlant pour l’Europe », il n’est pas étonnant que les personnes interrogées aient mentionné l’Alliance évangélique européenne et l’Association européenne de Mission évangélique, ainsi que la Communion pentecôtiste européenne et la Conférence des Eglises européennes aussi bien que les alliances évangéliques nationales. D’autres mouvements incluent Hillsong, Alpha, 3DM et les réseaux des responsables baptistes. Un grand nombre de « voix » dominantes individuelles ont été mentionnées, trop pour les énumérer ici, y compris Pete Greig, Jeff Fountain, Matthew Skirton, Karl Martin, Rich Robinson, Miriam Swafield, Sara Breuel et l’Evêque anglican en Europe, Robert Innes, tout comme notre éditeur de Vista, Jim Memory.
De manière significative, les représentants des églises et des mouvements de migrants offraient une perspective différente, et étaient plus enclin à identifier des voix dominantes : le missiologue péruvien, ainsi que pasteur basé à Londres, Samuel Cueva, remarquait que « les voix dominantes sont encore l’église occidentale » et que tout mouvement vers le polycentrisme et la réciprocité dans la mission européenne est « un processus très lent ». De manière similaire, Usha Reifsnider de OCMS et du Centre for Missionaries from the Majority World (Centre pour les Missionnaires du Monde majoritaire) remarque la domination occidentale et, spécifiquement, les plus grandes « ressources financières qui donnent à la voix évangélique américaine la plus grande notoriété » en Europe. Une troisième perspective en provenance des communautés de migrants ou de la diaspora vient du Dr. Harvey Kwiyani, qui dit que les voix dominantes sont « principalement les blancs européens » qui, de manière accablante, « la plupart du temps, semblent n’avoir aucune compréhension de ce que la mission actuelle en Europe doit faire. »
Une note d’optimisme, cependant, vient de Jeff Carter qui, en tant que Baptiste nord-américain, apporte une perspective extérieure sur la mission européenne. Jeff observe que « les églises des territoires anciennement occupés par l’Union soviétique ont commencé à élever leurs voix et deviennent plus respectées dans les conversations » au sujet de l’évangélisme et de la mission. Donc, comme le fait Raphael Anzenberger, bien qu’il est juste de dire que les voix dominantes viennent typiquement des « nations anglophones et de la Scandinavie », la nouvelle positive est que d’autres perspectives et d’autres voix peuvent être de plus en plus entendues.
Quelles voix sont marginalisées et ignorées dans les discussions sur la santé de l’Eglise et la mission en Europe ?
Cette seconde question suit naturellement la première : étant donné que certaines voix dominent, nous avons spécifiquement demandé quelles voix sont marginalisées et/ou ignorées. Bien sûr, nous devons reconnaître le paradoxe de poser une question sur ce dont nous ne sommes pas conscient : par définition, il est difficile (voire impossible) d’identifier ceux qui sont dans notre angle mort ! Mais certains groupes de personnes ont été identifiés comme étant marginalisés, y compris les femmes, les migrants, les jeunes et des dénominations ou des églises spécifiques.
Tout comme le démontre la liste de participants dans cette recherche, les voix féminines sont dépassées par les masculines. Comme le remarque Tony Peck, le Secrétaire général de la Fédération baptiste européenne : « dans certaines parties d’Europe, les voix des femmes sont marginalisées et ignorées, et leurs dons de responsabilité sont étouffés. » Les responsables d’agences missionnaires partageaient cette opinion : les voix des femmes sont effectivement marginalisées parce que la plupart des responsables d’églises et de mission est masculine, pointe Kent Anderson, Directeur britannique d’ECM. Et John Gilberts, de Greater Europe Mission (Mission de la Grande Europe), mentionnait plusieurs exemples de jeunes responsables féminins ayant un impact incroyable dans leurs communautés mais dont les voix ne sont entendues dans aucune discussion sur la mission en Europe.
Cependant, la réponse la plus commune à cette question était que les migrants (ceux du dehors de l’Europe) étaient systématiquement ignorés et marginalisés. Ceci était mentionné par tous les types de personnes interrogées, avec les réponses les plus instructives provenant, sans surprise, par les représentants des églises de migrants et de la diaspora. Samuel Cueva estime que les responsables de la mission auprès de la diaspora ne sont pas entendus – mais une des raisons pour cela est un manque de « participation dans la réflexion critique (par exemple) des responsables latino-américains travaillant en Europe. » Harvey Kwiyani soutenait que les conversations se font autour de la missiologie de la diaspora mais que, de manière regrettable, celles-ci « se produisent parmi les personnes de la diaspora mais attirent peu d’intérêt des responsables de mission locale. » Certains des commentaires les plus perspicaces venaient d’Usha Reifsnider, qui remarquait que les voix du monde majoritaire ont plus d’influence aujourd’hui que jamais auparavant – mais opèrent encore dans un paradigme occidental et « continuent de considérer leur identité à travers l’objectif créé par l’Occident et renforcé à travers le colonialisme, le postcolonialisme et le néocolonialisme. » Usha conclut que des voix non-occidentales indépendantes « de l’approbation, des ressources et de l’influence de la théologie occidentale » sont ignorées aussi bien en Occident que dans le monde majoritaire.
Parmi d’autres qui pensaient être marginalisés dans la mission européenne figuraient les Pentecôtistes, les Orthodoxes et les Catholiques, spécialement les mouvements de jeunesse et ceux engagés dans la revitalisation de l’Eglise catholique, selon John Gilberts et d’autres. De manière similaire, Cueva indique que les missionnaires en provenance d’églises indépendantes et des missionnaires non-conventionnels, qui pourraient ne pas être connectés à un organisme d’envoi, sont exclus des conversations sur la mission européenne. Le type final de marginalisation mentionné était celui basé sur l’ethnicité ou une autre identité, y compris les peuples d’Europe de l’Est et du Sud-Est, et les Rom.
Quelles voix, parmi celles marginalisées, pensez-vous mériter d’être urgemment entendues?
Bien sûr, tous les groupes et toutes les voix marginalisés méritent d’être inclus et d’être entendus. Cependant, il est possible que certaines voix doivent être entendues plus urgemment.
Parmi les personnes interrogées, il y avait une reconnaissance généralisée du fait que les migrants chrétiens avec un ministère en Europe méritent d’être urgemment entendus. Ceci est l’argument de Frank Hinkelmann, écrivant au nom de l’Alliance évangélique européenne, qui remarque un échec collectif « d’inviter et d’inclure les églises migrantes sur notre scène nationale et européenne. » Jeff Carter est d’accord « qu’il est nécessaire d’avoir un effort concerté pour faire place aux nouvelles églises de migrants à la table des conversations » autour de l’évangélisme et de la mission. De manière encourageante, il rapporte que « des points de lumières brillantes dans certains pays qui les ont délibérément invité à la table et à travailler à leurs côtés pour l’intérêt de l’Evangile. »
D’autres personnes interrogées ont également rajouté des exemples spécifiques au sein des minorités ethniques et des églises de migrants. Mike Betts de NewFrontiers (Nouvelles Frontières) estime que nous devons tenir compte de « ceux en provenance des nations islamiques qui se sont convertis… alors que nous faisons face à un multiculturalisme croissant dans la plupart des nations européennes. » Et Raphael Anzenberger soutient que nous devrions écouter les voix en provenance de pays où il y a des percées évangéliques et missionnaires significatives, telles que l’Espagne, la France, la République tchèque et la Macédoine du Nord. Ceux qui travaillent là-bas ont évidemment beaucoup d’expérience à partager.
Parmi les personnes interrogées des églises de migrants, Samuel Cueva prônait d’écouter urgemment les responsables des églises indépendantes, spécifiquement ceux qui ont émergé des activités de missions non-conventionnelles ou de la mission auprès de la diaspora ; beaucoup d’entre eux sont pentecôtistes et charismatiques. Usha Reifsnider soulignait l’importance d’écouter ces initiatives missionnaires africaines, latino-américaines et asiatiques en Europe qui innovent la diffusion au-delà de leurs propres ethnies.
D’autres personnes interrogées soutenaient que nous devrions écouter le plus urgemment possible les responsables de mouvements de jeunesse de toute l’Europe ; ceux travaillant parmi les Catholiques mécontents ; les responsables et les missionnaires féminins ; et, avec un grand précédent biblique, écouter les voix des « veuves et des orphelins », et travailler avec eux et à leurs côtés.